Lollipop me demande de parler de mes livres... Alors j'en profite pour raconter mon histoire de lecture...
1.
Tout commence ou presque avec ce livre de Dick Bruna. Mon préféré. J'ai trois ou quatre ans et je le connais par coeur. Je le "lis" en même temps que ma maman. Le livre est perdu aujourd'hui mais je me souviens de l'histoire (un petit chien aide une maman qui "pleure toutes les larmes de son coeur" à retrouver sa petite fille perdue...) . C'est cela qui a décidé ma mère à m'apprendre elle même à lire, vers 4 ans et demi 5 ans, avec un livre de lecture de Daniel et Valérie. Exactement comme je le ferai moi-même pour Martin, vingt-cinq ans plus tard, avec la méthode des Alphas.
Quand j'entre en grande section, donc, je "sais déjà lire"... et ce goût de lire ne me quittera plus... De l'époque où quand même on me lit des histoires, il en reste d'autres bien sûr. Le trésor qu'est la grande pile de "Belles Histoires de Pomme d'Api". Et puis "Odette" de Ph. Dumas, dont je garde un très joli souvenir...
2. Deuxième étape, trouver des livres à dévorer. Une fois dévorés les livres de la maison, ceux qu'on m'a offerts, les
Comtesse de Ségur dans la (très vieille et précieuse) Bibliothèque Rose qui ont appartenu à ma grand-mère, les
T. Trilby de ma mère (Ah,
Moineau la Petite Libraire, hein
Clem?), on fréquente les bibliothèques... La bibliothèque NELL, d'abord. Celle de la Ligue des Familles, ensuite. La première sortie seule que je suis autorisée à faire, vers 10 ans, c'est le quart d'heure de marche qui me conduit à la bibliothèque, avec mon sac de livres. J'y passe pour ainsi dire tous mes mercredis après-midi, à jouer dans la petite imprimerie ou pelotonnée dans les coussins de la "caverne aux histoires" avec des bouquins. Déjà à l'époque, j'adore relire mes livres préférés, et je peux les lire 10 ou 15 ou 20 fois sans problème. Je lis à voix haute pour ma mère, le soir, pendant qu'elle cuisine et s'affaire dans ses casseroles. Je lui lis ainsi de bout en bout "
Le livre de Dorrie" de Marilyn Sachs.
Bon s'il y a un auteur à garder de cette époque, je crois que ce sera Roald Dahl...
3. L'adolescence approche... je découvre de nouveaux bouquins, plus ou moins à l'eau de rose (
"La bicyclette bleue" et consorts...) Je continue de me laisser transporter par les livres. Mais LA découverte de mes 16 ans, c'est
J.D. Salinger (j'en ai déjà parlé
ici, dans un des touts premiers posts de ce blog).
4. Le suivant dans l'ordre chronologique, c'est Anouilh, dont je dévore le théâtre en commençant par Antigone. Ses paroles grinçantes sur le bonheur ou sur la vie adulte font sans doute écho à Salinger d'une certaine manière et Antigone est à mes yeux une soeur d'Holden Caulfield.
5. Le lycée se termine et j'entre à l'université ; pour la première fois, j'ai une vraie amie qui partage mes lectures et me fait découvrir les siennes. Elle est une adepte de Julien Green, que je lis avec elle... Oh, Adrienne Mesurat, Moïra... Des héroïnes coincées dans des familles rigides, une part de mystère aussi, toujours. Un regard plutôt noir voire sinistre sur la jeunesse, quand j'y repense. On remplit à deux des pages et des pages de carnets de citations.
6. Paul Eluard, que je découvre aussi... ce qui me rapproche de mon père, qui en est lui aussi un fervent lecteur et admirateur (la fille d'Eluard s'appelle Cécile et mon père à moi s'appelle Paul...). Je me souviens du jour où j'ai découvert le coeur battant ses oeuvres complètes en deux tomes La Pléiade dans la vitrine d'un bouquiniste de la cité universitaire... je les ai achetées sur le champ.
7. John Irving, que nous découvrons ensemble, "Le Monde selon Garp" auquel Salinger me conduit (le 4e de couverture indique que "le Monde selon Garp pourrait être aux enfants de la crise ce que l'Attrape-Coeurs a été pour ceux des années 60". )
Je le lis rapidement en VO, ce livre dont Irving a dit espérer qu'il cause "a few smiles among the though minded and break a few softer hearts". (je fais partie des seconds, c'est clair...). Je lirai ensuite tous les autres et la sortie d'un de ses romans est à chaque fois une fête!
8. Il y en a d'autres, bien sûr, à cette période. Karen Blixen. Simone de Beauvoir et les "Mémoires d'une jeune fille rangée". Valérie Valère et "Le Pavillon des Enfants fous" qui me coupe le souffle. Mauriac dont je dévorais les romans achetés trois sous chez les bouquinistes, pendant les périodes d'examen (j'ai lu "Thérèse Desqueyroux" de la première à la dernière ligne, sans le lâcher, un après-midi de soit-disant "bloque" pré-examens...)
9. Je tombe amoureuse et je relis Boris Vian sur les conseils de J. Il me faut cette deuxième lecture pour accrocher vraiment à L'écume des jours qui reste sans doute à mes yeux une des plus belles histoires d'amour, mais aussi d'amitié...
10. Vers la fin de mes études je découvre Annie Ernaux, dont les livres (Une femme, entre autres) et l'écriture me marquent profondément.
11. Enceinte de celui qui ne s'appelle pas encore Gilles, je me plonge dans Zola. Je m'étais mis en tête de lire pendant ma grossesse TOUS les Rougon-Macquart. Je n'y arriverai pas mais j'en lis quand même onze... :-)
12. Gloups, plus que trois. Je dois encore citer Romain Gary (Emile Ajar) et La vie devant soi. Un livre indispensable, à mon sens.
13. Il y a Haruki Murakami aussi, découvert plus récemment, mais dont j'ai lu en quelques mois tous les livres, et si je pouvais apprendre le japonais pour les lire en VO, et bien, ce serait encore mieux. Mon préféré reste "Danse danse danse", qui est depuis plus de deux ans sur ma table de chevet et que je ne me résous pas à ranger dans la bibliothèque. Je m'y replonge de temps en temps, en l'ouvrant au hasard, pour déguster quelques pages. (Dans la filiation des auteurs, il faut savoir que Murakami est le traducteur en japonais de John Irving... si je ne devais garder que trois auteurs, ce sont ces trois-là : Salinger-Irving-Murakami, dont j'ai lu pour chacun "tous" les livres, et qui restent pour moi les plus importants).
14. Bon, il faut clôturer, hein. Je passe vite sur Paul Auster, sur TC Boyle, sur I. Allende, sur Ph. Claudel, sur A. Ferney, dont j'aurais des choses à dire. Agnès Desarthe et "Mangez moi" qui se lit comme on mange un bonbon. Sur Emmanuel Carrère aussi, le dernier livre que j'ai achevé c'est "D'autres vies que la mienne" et je sais déjà que c'est un livre qui va compter pour moi.
15. Encore un mot pour les auteurs de BD. J'ai déjà parlé
ici de
E. Davodeau et de
Lulu Femme Nue. Il faudrait aussi parler de
Taniguchi qui m'émeut si fort (
Quartier lointain, le Journal de mon Père). De
Trondheim et Lapinot, bien plus subtil et profond qu'il n'en a l'air (Aah,
Vacances de Printemps, mon préféré je crois). De
Rabigliati et de la série des
"Paul" dont j'ai déjà parlé aussi. De
Sfar et du
Chat du Rabbin... du
Combat Ordinaire de
Manu Larcenet...
Allez, pour terminer quelques mots pleins de sagesse :
"Je déteste l'idée de forcer quelqu'un à lire, ou même l'idée que lire soit bon pour la santé ou pour la réussite sociale. Lire est un acte de sécession, on se retire du monde commun, on entre dans un monde parallèle. Il y a là de la protestation. De la rébellion. De l'inconscience. On perd son temps, comme disent les gens efficaces." (Geneviève Brisac)