2 décembre 2011

Les mots sont vivants

La semaine du conte s'est achevée. Cet après midi nous avons décroché les décors, replié les toiles indiennes et les guirlandes électriques. Lundi les maîtresses retrouveront leur studio, et j'ai même lavé les tasses à café qui étaient restées abandonnées là quand nous sommes arrivés dimanche dernier avec nos caisses de matériel (et que nous avions planquées dans un coin).
La semaine du conte, c'est la mobilisation d'une trentaine de parents, pour que chacune des 17 classes de l'école puisse avoir son heure magique...
J'ai lu cette année dans cinq classes : 1e et 2e maternelles, 1e, 2e, 4e et 6e primaire (classes équivalentes au CP, CE1, CM1 et à la 6e française puisque dans notre grand Nord les enfants restent 6 ans dans l'enseignement fondamental), cinq heures du conte parce qu'en tant qu'organisatrice, la plus sûre manière de combler les "trous" aux heures où je manque de candidats est de m'y mettre, parce que mon horaire de boulot était plus light cette semaine (et mon boss compréhensif), et surtout parce que j'adore ça...
Les petits visages tendus pour connaître la suite de l'histoire, les émotions qui les traversent à travers ces mots...
Les musts de la semaine, Non non et non de M. d'Allancé (L'école des Loisirs), Mannenken Pis de V. Radunsky (Seuil), Piou Piou de Sato et Futamata (L'école des Loisirs), Records d'O. Douzou (Rouergue), Le Tunnel d'A. Browne (Ecole des Loisirs), Paul Chasseur d'Ogres de D. Wautier (Alice Jeunesse), Le Magicien des couleurs d'A. Lobel (Ecole des Loisirs), ...

Mais le plus émouvant, ça a quand même été de sortir mon vieil exemplaire des Paroles de Prévert pour en lire une dizaine à ces petits préados de 6e primaire. Ils ont onze ou douze ans et sont dans un âge fragile et d'entre deux magnifique...
La poésie, a priori, ça les barbe plutôt. C'est presqu'une punition, de devoir apprendre par coeur des mots qui en perdent tout leur pouvoir poétique. J'ai donc sorti mon vieux bouquin en ne disant ni que c'était de la poésie, ni que c'était Prévert, m'excusant juste -fort stratégiquement- que ce soit "un livre d'histoires sans images" mais en précisant que l'auteur était heureuseusement très fort pour faire naître les images dans la tête...
J'ai lu Dans ma maison, Pour toi mon amour, L'orgue de Barbarie, Le temps perdu, Le Jardin, Pour faire le portrait d'un oiseau, Le désespoir est assis sur un banc, Pater Noster, Déjeuner du matin, Paris at Night. Ils ont été emportés et leur enthousiasme renforçait le mien. J'ai pensé à Daniel Pennac et Comme un Roman. Les mots de Prévert les ont touchés, fait rire ou émus...  Ils en redemandaient, "eh Madame, vous l'avez acheté où ce livre?". Je les sentais très sensibles aussi à tout ce discours amoureux présent dans certains poèmes, eux qui en découvrent les émotions et les tourments...

Trois allumettes une à une allumées dans la nuit
La première pour voir ton visage tout entier
La seconde pour voir tes yeux 
La troisième pour voir ta bouche
Et l'obscurité tout entière pour me rappeler tout cela
En te serrant dans mes bras

Comme dans cette scène mémorable d'Un long dimanche de fiançailles... (vers 13 sec)
Ils étaient emportés, et "scotchés"... comme ils le disent dans leur vocabulaire.
J'ai du promettre de leur photocopier celles qu'on avait lues et que ce livre ils pourraient facilement le trouver dans n'importe quelle bibliothèque.
J'en suis sortie pleine d'énergie et presque avec une vocation d'instit' (!)...
Beau week-end à vous...


11 commentaires:

Et-fée-mère a dit…

Ah mais merci Cécile, c'est une merveilleuse idée à mettre en place dans notre école, tu veux bien me donner des pistes ?

cécile a dit…

Enorme ce travail des parents, mais comment vous faites?
C'est formidable.
Cécile des Villes

Hermione a dit…

J'espère qu'ils s'en souviendront quand des enseignants maladroits dépoétiseront ces beaux textes en les décortiquant sans imagination. Tous les prof ne sont pas comme ça, bien au contraire, mais j'ai le souvenir d'un qui arrivait à rendre Baudelaire ennuyeux comme la pluie.

steph a dit…

ça m'a manqué! les enfants étaient ravis! et pourquoi pas instit'? tu serais passionnante!

Nadia a dit…

Quelle bonne idée ! Je suis instit en CM1-CM2. 8 jours de classe jusqu'à Noël et 9 poésies de Prévert. je vais rechercher mon vieux livre et on fera une sorte de calendrier de l'Avent des poésies ! Merci, merci, merci !

Agnèslamexicaine a dit…

génial! tu (vous) leur offrez un cadeau inestimable... et eux en retour, de l espoir!! et Prevert, chouette!!

rosaannoma a dit…

Mais oui, c'était bien bien.
De bons moments de lecture aussi pour moi, cette année.
Je me souviendrai précieusement du silence et puis des petits rires et des yeux qui brillaient lorsque j'ai lu "La première fois que je suis née" de V Cuvelier et C Dutertre.
Et de ma surprise quand ils m'ont réclamé l'histoire d'Epaminondas, "comme chaque année, hein, madame".
Merci Céc' pour cette super organisation.

le-gout-des-autres a dit…

La première photo, elle montre des élèves de ta classe ?
Si c'est le cas, fais attention.
Entre l'inquiétude des parents et la bande fondus qui traîne sur le Net, ça risque de poser des problèmes.

Aux gamins et à toi...

céc' a dit…

@ le gout-des-autres : tu as raison... je l'enlève... à contre coeur mais bon !

Un autre endroit... a dit…

Le recueil Paroles est mon préféré. Et dedans...Pour faire le portrait d'un oiseau, Le déjeuner du matin...Je lis souvent de la poésie aux enfants à la bibli. Ils aiment...
Quand à Venise, il faut être réaliste, ce ne sera pas possible avant longtemps...tant pis. Il me reste les mots de Prèvert. Bonne fin de dimanche.

sandra a dit…

quelle aventure, félicitations pour tout ce travail que ça a du être ! Ca donne des envies de lire des poèmes au coin du feu, ressortir des livres un peu délaissés... merci!!!!